[SFdS] MédiaStat n° 2 (mars 2025). La statistique au coeur de l'actualité !


Les médias traitent d'une multitude de sujets d'actualité où la Statistique est largement impliquée. Cependant, dans de trop nombreux cas, il n'est pas facile d'identifier ce rôle central de notre discipline par des non experts, ainsi que ses implications au sens large. Cet état est préjudiciable au rayonnement légitime de la Statistique puisqu'elle est, de fait, mal identifiée par le grand public, les décideurs publics, les entrepreneurs, etc.

MédiaStat correspond à une initiative de la SFdS visant à apporter un éclairage de statisticien.ne.s sur un sujet d'actualité ciblé, extrait du flot médiatique.

Les Groupes Spécialisés ainsi que les membres du Conseil de la SFdS sont des contributeurs privilégiés pour MédiaStat mais chaque membre de la SFdS doit se sentir libre d'y contribuer également en écrivant à la Cellule Communication de la SFdS.

Ce mois-ci, il est question du projet de programme de mathématiques du cycle 3 et de l’introduction des probabilités dès le CM1.

Très bonne lecture !



Contact : Cellule Communication de la SFdS »

*****

MédiaStat n° 2 (mars 2025)

Projet de programme de mathématiques du cycle 3 :
pour une expérimentation du hasard au CM1-CM2

Le projet de programme de mathématiques de cycle 3 était en consultation jusqu’au 7 février 2025 sur le site Eduscol : https://eduscol.education.fr/3206/consultation-nationale-sur-les-programmes-de-francais-et-de-mathematiques-au-cycle-3.
Parmi les nouveautés importantes, on trouve l’introduction des probabilités dès le CM1, alors que cette notion n’est actuellement introduite qu’en classe de Cinquième.

Initier un travail sur l’aléatoire dès l’école primaire, à l’instar de nombreux autres pays, nous semble une bonne idée. Cependant, l’introduction proposée dans ce projet de programme nous questionne. En effet, si en classe de Sixième il est prévu d’« expérimenter le hasard », il n'en est absolument pas question au CM1 et au CM2. Au cours moyen, on introduit les probabilités indépendamment de la statistique, comme si ces domaines n'avaient rien à voir l'un avec l'autre. Cela prive les élèves de l'école primaire de toute expérience empirique du hasard, que nous jugeons pourtant indispensable en début d’apprentissage de la notion de probabilité. Cela nous semble de plus en contradiction avec l’intérêt, porté ces dernières années, à la manipulation, préalablement à l’abstraction.

En CM1, selon le projet de programme, « l'élève comprend que certains événements ont exactement la même probabilité de se réaliser, par exemple il y a la même probabilité d'obtenir un 6 que d'obtenir un 4 » (p. 97). En CM2, dans la partie « Comprendre la notion d’indépendance lors de la répétition de la même expérience aléatoire », il est mentionné que « [l]’élève sait que, lorsqu’il répète une même expérience dans des conditions identiques, les résultats antérieurs n’ont aucune incidence sur la probabilité d’obtenir un résultat donné. Par exemple, il sait que lorsqu’il lance une pièce de monnaie non truquée, s’il a obtenu trois fois « face » lors des trois premiers lancers, alors au quatrième lancer, il y a toujours exactement une chance sur deux qu’il obtienne « face » et une chance sur deux qu’il obtienne « pile ». » (p. 100) Par quel moyen l’élève « comprend »/« sait »-il cela sans l’expérimenter ? Sans doute par un argument d'autorité de la maîtresse ou du maître…
Dans ce projet de programme, l'accent est uniquement mis sur la technique, l’utilisation imposée de tableaux ou d’arbres (sans en motiver l’intérêt) et la théorie, au détriment du sens des notions que la manipulation et l'observation peuvent accompagner.

De nombreux travaux en psychologie ont mis en évidence des conceptions erronées relatives au hasard : refus de mesure du hasard (tout est possible, on ne peut rien dire), biais d’équiprobabilité (a priori tous les cas possibles sont équiprobables), biais d’alternance (on imagine certaines régularités du hasard et, à pile ou face, PFFP semblera plus probable que PPPP par exemple), effet mémoire (si l’on a eu quatre fois pile on a plus de chances d’avoir face au prochain lancer ; on applique la loi des grands nombres sur des petits nombres)… Il est nécessaire de tester les conceptions a priori des élèves, d’en débattre avant de débuter un « enseignement théorique » des probabilités et d’en dégager d’éventuelles contradictions en appui sur des expériences avec du matériel (dés, pièces…). Par exemple, si l’on reprend le paragraphe sur l’indépendance en CM2, il pourrait être proposé des expérimentations de lancers de pièces, où les élèves vont observer les différentes combinaisons (en lien avec la conception effet mémoire).
En effet, il paraît un peu tard de ne s’y intéresser qu’à partir de la Sixième, comme le projet de programme le prévoit. Il est un peu étrange de devoir attendre le collège pour voir que la théorie semble assez bien correspondre à la réalité : « [la] proportion [d’apparition de « deux fois PILE »] est comparée à la probabilité d'obtenir « deux fois PILE » vue au cours moyen » (p. 105). On souhaiterait voir cela initié dès le cours moyen, tout en ayant conscience que le concept de proportion (et donc de fréquence) n’est pas encore connu des élèves.

Il serait souhaitable que la consultation sur le projet de programme de cycle 3 permette d’introduire dans les classes, dès le CM1, un travail sur les conceptions a priori qu’ont les élèves du hasard en appui notamment sur l’expérimentation du hasard, et de repousser le travail sur les modèles, concernant les expériences aléatoires à deux épreuves, au collège.

Charlotte DEROUET et Philippe DUTARTE
pour le Groupe Spécialisé Enseignement de la Statistique de la SFdS

SFdS - Société Française de Statistique
©2025 SFdS