La statistique dans la cité n° 40 - juin 2024
Sommaire du n° 40

Éditorial

Institutions :
                                     - L’Europe des données (électroniques) de santé
                                     - La Chine a repris la publication des chiffres du chômage des jeunes

Méthodes :
                                     - Rapport du CCSF sur l’Assurance emprunteurs

Feuilleton :
                                     - Le point sur l’affaire Georgiou : est-ce la dernière bataille ?

Humeur :
                                     - La mesure ou le ressenti
                                     - Des statistiques américaines « confuses » …

Nous avons lu

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Vie du groupe


Tous les numéros précédents de l'infolettre sont téléchargeables sur le site du groupe SEP


Editorial

La statistique dans la cité va prendre ses quartiers d’été et retrouvera ses lecteurs en octobre avec son numéro 41. La mise au point de ce numéro 40 a pris un peu plus de temps que d’habitude et nous prions nos lecteurs de nous excuser pour le retard que cela a entraîné pour sa diffusion.

Au moment où cet éditorial est rédigé, la France traverse une période d’incertitudes quant au fonctionnement de ses institutions. Dans ce contexte, il n’est certainement pas inutile de rappeler la mission assignée à notre Groupe qui est notamment de tenter d’enrichir le débat public en montrant comment la statistique peut éclairer les problèmes de société et de favoriser les échanges entre statisticiens professionnels soucieux de défendre la place de la statistique dans la société. Mais il est important de rappeler les valeurs de la statistique publique nécessaires à la réalisation de cette mission : fiabilité, qualité, indépendance, service de l’intérêt général, service public, utilité, confidentialité des informations individuelles. Le précédent numéro de La statistique dans la cité (avril 2024) avait rappelé l’adoption des Principes fondamentaux de la statistique officielle (FPOS) adoptés il y a trente ans par la Commission de statistique des Nations-Unies et le vote il y a dix ans de la résolution 68/261 de l’Assemblée Générale des Nations Unies approuvant ces principes et leur donnant ainsi un poids politique. Les FPOS ont ainsi ont joué au fil des années un rôle déterminant dans l'élaboration des systèmes statistiques nationaux et l'établissement de l'intégrité des données et de la confiance du public dans les productions statistiques. Aux côtés d’autres acteurs de l’écosystème statistique, notre Groupe continuera en toutes circonstances à veiller au respect de ces valeurs et de ces principes, notamment en poursuivant l’organisation des Cafés de la statistique qui vont entrer dans leur vingtième saison et la rédaction de la lettre bimestrielle La statistique dans la Cité.

On trouvera notamment dans ce numéro un article sur l’adoption par le Parlement européen du projet de règlement créant un Espace européen des données de santé, un article faisant le point sur le feuilleton juridique et le harcèlement qu’Andreas Georgiou, président de l’office statistique grec, Elstat, de 2010 à 2015, subit depuis maintenant plus de dix ans, ainsi que deux billets d’humeur qui font référence aux valeurs de la statistique rappelées plus haut.

Nous rappelons que la totalité des numéros passés de La Statistique dans la Cité sont accessibles dans les pages de notre Groupe sur le site de la SFdS. Et comme d’habitude, nous souhaitons que nos lecteurs nous fassent part de leurs réactions et de leurs commentaires sur nos activités et en particulier sur cette infolettre en nous écrivant à l’adresse sep@sfds.asso.fr.


Institutions

L’Europe des données (électroniques) de santé

Le 24 avril dernier le Parlement européen a adopté le projet de règlement créant un Espace européen des données de santé (EHDS European Health Data Space), suite à l’accord politique obtenu avec le Conseil européen sur la proposition de la Commission (1).

L’EHDS précise et unifie les règles applicables aux données de santé là où le RGPD laissait aux États membres des libertés pour choisir leurs procédures, qui rendaient difficile voire impossible la mise en place de traitements de données de santé transfrontalières. Ces données relèvent de deux grands domaines :
  • les partages ou transmissions de données de santé dites « primaires », celles qui décrivent les soins donnés aux malades. Cela pourrait être utile à des malades en déplacement dans d’autres pays, dans le respect des droits des personnes. Il s’agit des prescriptions et des dossiers médicaux ;
  • les « usages secondaires » des données de santé, préalablement anonymisées ou pseudonymisées (2), autres que leur finalité initiale. Ces réutilisations incluent notamment la recherche et la production des statistiques, l’évaluation des politiques publiques, la pharmaco-vigilance et l’innovation, y compris l’entraînement des intelligences artificielles. Certains usages sont exclus (promotion commerciale, assurances). Les données dont il s’agit incluent les résumés de sortie ou les factures des hôpitaux, les feuilles de soins de l’assurance maladie, les registres de maladie, les données d’enquêtes et de cohortes mais aussi les dossiers médicaux. Dans chaque État membre, les organismes gestionnaires ayant initialement collecté ces données devront les mettre à la disposition des utilisateurs, via un guichet et opérateur unique (Health Data Access Body ou DAB). Les organismes gestionnaires percevront une redevance pour couvrir leurs frais de compilation et de préparation des données.
Une nouvelle preuve de l’utilité de l’Union européenne, y compris dans un domaine comme la santé qui demeure de la compétence des États membres ? Oui sans doute - l’intérêt de partager ou d’utiliser des données de santé homogènes en provenance d’autres pays est évident - mais il faudra quand même être patient et vigilant…

Patience, parce que ce texte ne pourra pas s’appliquer immédiatement :
  • Il faudra mettre en place la nouvelle « gouvernance » réunissant la Commission et les États membres et une sorte de forum des (nombreux) acteurs concernés, comme la France l’a fait avec l’Institut national des données de santé, devenu Plateforme nationale des données de santé (alias Health Data Hub (3)).
  • Il faudra aussi que chaque pays adapte son cadre juridique (la France notamment aura fort à faire puisque la Cnil n’aurait plus à donner d’autorisation préalable aux demandes de traitement de données de santé). Tout cela prendra des années selon la Délégation au numérique en santé (DNS) du ministère de la santé.
  • La DNS annonce aussi des « ajustements techniques » à l’automne… Mais si on regarde le temps qu’il a fallu en France pour assister au démarrage du Dossier médical partagé (DMP), rebaptisé Mon espace santé, on peut parier qu’à l’échelle de l’Europe, la prescription électronique transfrontalière et les résultats d’examens lisibles dans toutes les langues et dans tous les pays seront des projets longs et complexes.
Vigilance aussi
  • Le partage transfrontalier de dossiers médicaux (forcément nominatifs) créera de la méfiance et exigera une sécurité sans faille même si on peut supposer qu’initialement il sera réservé à des volontaires.
  • Dans chaque État membre, le DAB sera non seulement un guichet unique pour instruire les demandes d’accès mais aussi un opérateur central gérant directement ou via un prestataire l’hébergement et la mise à disposition effective des données pour leurs réutilisations : c’est une organisation encore plus centralisée que la Plateforme nationale des données de santé française. Or on ne peut pas dire que celle-ci ait fait ses preuves :
    • la Cour des comptes dans son rapport annuel (du 29 mai) sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale vient de souligner les longs délais pour accéder en France aux données de santé, même après accord de la Cnil ;
    • à supposer que la solution d’un opérateur unique soit la bonne, ne conviendrait-il pas d’évaluer d’abord les solutions et les performances des prestataires techniques en matière de sécurité, de qualité et de coût du service et de mieux comprendre les réticences des gestionnaires de données à les verser au pot commun ou d’analyser les difficultés à choisir et « extraire » les données nécessaires à chaque traitement ?
    • La DNS annonce justement une mise en concertation publique début juillet sur la réutilisation des données de santé sécurisées.
  • Enfin si le rapprochement des procédures pour les données pseudonymisées de santé entre les différents Etats membres semble un progrès, ne conviendrait-il pas aussi de rapprocher les procédures et de faciliter les appariements entre les différents domaines c’est-à-dire entre les données de santé et les autres données à caractère personnel (revenus, fiscalité, emploi, éducation etc.) ?
(1) La Commission avait présenté sa proposition le 3 mai 2022 (Cf. le n° 30 de l’infolettre - juin 2022).
(2) Les données anonymes sont par exemple des données agrégées et sont en principe en accès libre (open data) quand elles existent. En revanche les données pseudonymisées se rapportent à des personnes physiques désignées par des numéros (souvent obtenus par un procédé cryptographique irréversible à partir du numéro national d’identification). Ces personnes restent souvent identifiables par recoupement, c’est pourquoi l’accès à ces bases de données demeure limité (motif d’intérêt public, procédures garantissant la confidentialité et la traçabilité etc.).
(3) La statistique dans la cité a fait régulièrement part des aventures du HDH (Health Data Hub) qui constituent un véritable feuilleton ! Nous en avons parlé pour la première fois dans le n° 18 (février 2020) et le feuilleton s’est poursuivi dans les numéros 21, 22, 23, 26, 27 et 28 !


La Chine a repris la publication des chiffres du chômage des jeunes

Le numéro 36 (octobre 2023) de La statistique dans la cité s’était fait l’écho de la décision du Bureau national des statistiques de Chine d’arrêter de publier les chiffres du chômage des jeunes (16 - 24 ans) après un chiffre record de 21,3 % de chômeurs en juin dernier dans cette tranche d’âge. Cette décision se situait dans un contexte de morosité croissante de l’économie chinoise (chute des exportations, marasme du secteur immobilier, faible tenue de la consommation des ménages, entrée en déflation, …).

La publication de cette statistique a repris en avril dernier après un audit de la méthodologie utilisée pour sa production. D’après le Bureau national de la statistique, le pourcentage de jeunes à la recherche d’un emploi s’est établi à 14,9 %. Cette diminution spectaculaire est simplement due à l’exclusion des étudiants de cette catégorie. Toutefois cette décision n’est pas conforme à la définition adoptée par le Bureau International du Travail (4) (BIT) ; les étudiants ne doivent pas, pour le BIT, être exclus de cette catégorie.

On peut bien sûr estimer qu’il n’est pas inutile de mesurer le chômage des jeunes en excluant les étudiants, mais dans ce cas, la solution est de publier simultanément les deux chiffres, comme l’avait fait l’Insee en publiant depuis plus de trente ans un indice des prix sans tabac et alcool à côté de l’indice des prix officiel.

(4) Un chômeur est une personne âgée de 15 ans ou plus qui répond simultanément à trois conditions : être sans emploi durant une semaine donnée ; être disponible pour prendre un emploi dans les deux semaines ; avoir cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.


Méthodes

Rapport du CCSF sur l’Assurance emprunteurs

Dans son rapport 2023 adressé au Parlement, le CCSF (Comité Consultatif du secteur Financier) dresse un premier bilan de l’application de la loi du 28 février 2022, dite loi Lemoine. Cette loi visait à faciliter l’accès à l’assurance des emprunteurs pour les risques de décès et d’incapacité-invalidité : elle autorisait les changements de contrat à tout moment, elle permettait un accès à l’assurance sans questionnaire de santé pour les emprunts de moins de 200 000 euros dont le terme est atteint avant les 60 ans de l’emprunteur et elle accordait un « droit à l’oubli » réduit à 5 ans en cas de rémission d’un cancer.

Le rapport du CCSF présente une analyse actualisée du marché de l’assurance des emprunteurs. L’analyse inclut l’ensemble des acteurs du marché : assureurs « traditionnels », « bancassureurs », courtiers grossistes et intermédiaires d’assurance ainsi que les acteurs du crédit, banques, sociétés de financement et courtiers en crédit et elle s’appuie sur des données recueillies par enquête auprès de ces acteurs. Elle dresse un panorama du fonctionnement et de la dynamique de l’assurance liée au marché du crédit immobilier, qui joue un rôle clef pour la constitution du patrimoine immobilier des ménages. Comme le coût de l’assurance peut différer significativement entre les contrats proposés « automatiquement » par les banques et ceux proposés par d’autres acteurs, la fluidité apportée par la loi Lemoine apporte un gain réel de pouvoir d’achat et contribue à solvabiliser la demande d’acquisition de biens immobiliers. L’élargissement de l’accès à l’assurance pour les personnes ayant des problèmes de santé facilite aussi les possibilités d’acquisition d’un bien immobilier.

Le rapport du CCSF permet de chiffrer les effets de la loi bénéfiques aux ménages selon les différents profils des opérations d’acquisition et les catégories socio-professionnelles des emprunteurs. Le rapport met en lumière que ce sont les catégories sociales les plus aisées qui ont le plus bénéficié des facilités apportées par la loi en tirant parti d’une segmentation plus favorable que la mutualisation qui s’applique plus largement aux autres catégories sociales.

Par ailleurs le rapport essaie de mesurer l’effet de l’abandon de la sélection médicale, qui visait à favoriser les primo-accédants. Cette mesure n’a pu concerner qu’une partie des crédits car la limite d’âge à 60 ans crée une réelle limitation ; en effet, la durée des crédits s’est significativement allongée sur les dernières décennies (elle excède désormais 20 ans en moyenne), reflétant les difficultés de solvabilisation des ménages face à l’augmentation des prix immobiliers. Sur la période analysée, l’abandon de la sélection médicale n’a apparemment pas eu d’effet significatif : cela semble s’expliquer par le coût accru de l’assurance qui en est résulté, concomitamment au renchérissement du coût du crédit intervenu depuis fin 2021.

Le rapport souligne que la loi Lemoine a malgré tout globalement permis la continuation de la tendance à la baisse du coût de l’assurance emprunteur observée depuis une quinzaine d’années. C’est un effet de solvabilisation des ménages qui est ainsi observé, lequel avait surtout bénéficié aux ménages les plus jeunes jusqu’en 2019, et s’est exercé, sur la période récente, de façon plus homogène entre les différentes tranches d’âge des ménages.


Feuilleton

Le point sur l’affaire Georgiou : est-ce la dernière bataille ?

La statistique dans la cité a fait régulièrement le point (5) sur le feuilleton juridique et le harcèlement qu’Andreas Georgiou, président de l’office statistique grec, Elstat, de 2010 à 2015, subit depuis maintenant plus de onze ans. Au cours de ces derniers mois, le feuilleton a enregistré une bonne nouvelle et une nouvelle bataille, probablement la dernière, à mener par notre collègue grec.

La bonne nouvelle : dans notre numéro 33 (février 2023), nous faisions état du recours déposé par Andreas Georgiou devant la Cour suprême suite à sa condamnation en appel pour « calomnie simple » envers Nicolas Stroblos, l'ancien directeur des comptes nationaux de la statistique grecque de 2006 à 2010 ; cette condamnation était le résultat de la procédure engagée parce qu’Andreas Georgiou avait « osé » évoquer les nombreuses manipulations des statistiques des finances publiques par ses prédécesseurs entre 2004 et 2009, manipulations largement reconnues depuis par la communauté statistique et notamment par Eurostat. Suite à cet appel, le plaignant a finalement retiré sa plainte.

La nouvelle bataille à mener : dans notre numéro 34 (avril 2023), nous avions informé nos lecteurs que la CEDH (6) (la Cour européenne des droits de l’homme) avait estimé dans son arrêt du 14 mars 2023 que les droits à une défense équitable d’Andréas Georgiou avaient été violés lors de sa condamnation pour « violation du devoir ». Rappelons que les tribunaux grecs lui avaient reproché d’avoir transmis à Eurostat les statistiques de l’année 2009 sans avoir demandé l’aval du conseil d’administration d’Elstat alors que le code de bonnes pratiques de la statistique européenne confie aux responsables de l'office statistique « la responsabilité exclusive du choix des méthodes, normes et procédures statistiques, du contenu et du moment des publications statistiques ». Sa demande à la Cour suprême grecque de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour que cette dernière dise si sa conduite avait été conforme au code de bonnes pratiques de la statistique européenne lui avait été refusée. Dans un premier temps, le gouvernement grec avait fait appel de cet arrêt puis avait retiré cet appel. Suite à ce retrait, la Cour suprême grecque s’est donc réunie le 17 mai dernier afin d’annuler la condamnation d’Andreas Georgiou et de demander à une Cour d’appel de se prononcer à nouveau sur les charges retenues contre lui. On peut raisonnablement espérer que l’avis de la CEDH sera retenu par l’instance d’appel.

(5) Voir les numéros 6 (octobre 2017), 10 (juin 2018), 11 (octobre 2018), 14 (avril 2019), 17 (décembre 2019), 24 (avril 2021) 26 (octobre 2021), 27 (décembre 2021), 33 (février 2023) et 34 (avril 2023. Ces numéros sont accessibles dans les pages du groupe Statistique et enjeux publics sur le site de la SFdS.
(6) La Cour européenne des droits de l’homme est une juridiction du Conseil de l’Europe chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les 47 États qui l’ont ratifiée. Elle ne doit pas être confondue avec la Cour de justice de l’Union européenne qui siège à Luxembourg.


Humeur

La mesure ou le ressenti ?

Combien y a-t-il d’habitants à Mayotte ? 321 000 ? 650 000 ? Encore Plus ? Ou bien moins ? La question a été posée suite à des déclarations faites par Marine Le Pen lors de son passage sur l’île de l’océan Indien, le 21 avril 2024. Selon le recensement de la population organisé par l’Insee, ce chiffre était 320 601 au 1er janvier 2024. Mais elle affirme que c’est « probablement plus du double ».
La méthode utilisée par l’Insee est connue de tous. Elle s’appuie encore sur des recensements quinquennaux, actualisés chaque année. En 2026, va lui être substituée la méthode utilisée dans les cent autres départements français (méthode modulée selon la taille de la commune).
Sur quoi s’appuie Marine Le Pen pour contester ce chiffre et avancer un autre ordre de grandeur ? Sur un « ressenti » ! S’appuyant sur ses convictions relatives à l’immigration clandestine, elle « ressent » que le taux de croissance de la population de Mayotte est bien supérieur aux 3,8 % annoncés (soit déjà plus de douze fois le taux de croissance national).

Évidemment, les élus locaux, voyant dans cette éventualité un possible doublement de leurs dotations de fonctionnement, appuient avec force cette estimation ressentie, mais sans aucun fondement objectif.

Le chiffre estimé par l’Insee n’est certainement pas exact à l’unité près (pas plus à Mayotte que dans n’importe quel autre département). Mais toutes les précautions méthodologiques ont été prises pour aboutir à un résultat non biaisé. Et il n’est même pas exclu, selon le directeur régional de l’Insee « qu’à l’inverse de ce que tout le monde dit, [l’Insee ait] surestimé le nombre d’habitants ».


Des statistiques américaines « confuses » …

Dans son édition datée des 9 et 10 juin derniers, Le Monde présente un certain nombre de statistiques relatives au marché du travail, au chômage et à l’inflation. Et il titre ainsi son article : « Aux États-Unis, des statistiques confuses sur le marché du travail ». Certes, l’auteur de l’article met en évidence des signaux contradictoires apportés par ces différentes statistiques ; mais celles-ci sont-elles pour autant « confuses » ? C’est aux économistes d’essayer de tirer des conclusions et d’expliquer la situation en la rendant la moins « confuse » possible. La statistique dans la cité a souvent insisté sur le fait que l’écosystème statistique ne s’arrête pas à la production et à la diffusion des données mais inclut aussi l’analyse des résultats. Mais en l’occurrence, c’est envoyer un mauvais signal que de traiter de « confuses » les statistiques produites qui sont tout simplement difficiles à interpréter et à analyser.


Lu pour vous

L’Insee a publié fin avril son rapport annuel 2023

L’année 2023 a, en particulier, été marquée par l’analyse de la résurgence de l’inflation, inédite depuis quarante ans. Mais beaucoup d’autres thèmes ont été couverts par des études menées en 2023, notamment l’immigration, les chaînes de valeur dans l’industrie, la mobilité sociale ou la transition écologique.

Plus largement, l’Insee a mené des expérimentations et des innovations tant dans l’exploitation des données que dans le traitement statistique dans le but d’améliorer la qualité de ses opérations. Il a particulièrement avancé sur différents chantiers de modernisation, notamment la révision de la Nomenclature d’activités française (NAF) qui a été approuvée par Eurostat ; celle-ci entrera en vigueur en 2025. Une conséquence sera la modification du code APE de toutes les entreprises et de tous les établissements. La portée de la révision de la NAF excède ainsi largement la sphère statistique.


Effets attendus du mouvement de généralisation de la facture électronique

Dans un article publié le 29 février 2024 dans Variances, le Webmagazine de l’association des anciens élèves de l’Ensae, François Meunier met en lumière les effets positifs attendus du mouvement de généralisation de la facture électronique qui sera obligatoire en France en 2026 pour les grandes entreprises et les PMI et en 2027 pour les PME. Cette nouvelle avancée devrait entraîner un véritable renouvellement du suivi macroéconomique et de la façon de bâtir les comptes nationaux.

L’auteur précise qu’il sera fait appel à des plateformes de dématérialisation partenaires qui pourront rendre des services d’intégration comptable, de connexion avec les logiciels de gestion de trésorerie, de gestion des ventes. Ces plateformes communiqueront les informations à l’administration fiscale et de fait il souligne les motivations fiscales de cette obligation d’utilisation de la facture électronique, notamment pour la collecte de la TVA.

L’article ajoute que, au-delà de l’aspect fiscal, il sera possible d’alimenter une base de données des transactions de biens et services. Une telle base devrait permettre un suivi en temps presque réel (un mois de délai) de l’activité économique des secteurs soumis à la TVA et ce, à un niveau très fin.

François Meunier met ainsi en évidence que cela permettra de dépasser les limites rencontrées historiquement par la comptabilité nationale. Il souligne que cette dernière, qui avait de facto dû privilégier une approche sectorielle, pourra relancer une approche par produits, permettant de construire la matrice des consommations intermédiaires par unité de production (la matrice de Leontief bien connue des économistes). Ceci permettra de calculer la valeur ajoutée incluse dans les exportations, de disposer d’un suivi plus performant de l’investissement, d’affiner les indices de prix pour les différents agrégats de biens et, au final, d’améliorer le calcul du PIB et de ses composantes.

En se référant à l’exemple du Chili (plus avancé que la France dans l’utilisation de la facture électronique !), François Meunier évoque aussi le suivi des biens dont la production génère des émissions carbone, tout en soulignant le défi que constitue une nomenclature à un niveau fin de millions de produits (il mentionne que le Chili utilise l’intelligence artificielle pour les classer). Il imagine même que les entreprises pourraient déclarer sur leur factures l’émission de CO2 des produits vendus, dans un processus similaire à celui de la TVA.


L’article « Peut-on mesurer les salaires en temps réel ? » paru dans le précédent numéro de La Statistique dans la Cité (n° 39) est cité dans l’infolettre mensuelle n° 67 (mai 2024) du CASD (Centre d’accès sécurisé aux données)


Annonce

Un hommage sera rendu le 18 octobre 2024 à Chantal Cases qui nous a quittés il y a un peu moins d’un an et qui a présidé notre Groupe pendant trois années jusqu’à son décès. Cet hommage aura lieu à l’Ined qui organise cette réunion ; outre l’Ined y participeront notamment le DG de l’Insee, des représentants d’institutions dans lesquelles Chantal a joué un rôle important (notamment la Drees, le service statistique ministériel dans les domaines de la santé et du social) et des représentants d’associations dans lesquelles Chantal a été active (notamment Pénombre et bien sûr la SFdS).


Vie du groupe

Depuis la parution du précédent numéro de La statistique dans la cité, deux Cafés de la statistique ont été organisés :
• le mardi 28 mai, un café « délocalisé » a été organisé à Bordeaux à l’occasion des 55e Journées de Statistique de la SFdS sur le thème de la prédiction des résultats électoraux avec Bruno Jeanbart, vice-président d’Opinion Way ;
• le mardi 11 juin au Café du Pont-Neuf, avec Xavier Timbeau, directeur principal à l’OFCE et président de la commission Environnement et développement durable du Cnis, qui a évoqué les statistiques utiles à la transition énergétique.

Le Café prévu à cette date du 11 juin pendant lequel nous avions prévu de traiter de l’évasion fiscale a dû être remis à la prochaine saison des Cafés. Cette prochaine saison sera la vingtième. Quatre séances sont d’ores-et-déjà programmées : le mardi 8 octobre où Sylvie Lambert de l’École d’économie de Paris viendra traiter des mesures expérimentales de la pauvreté, le mardi 19 novembre où Pascal Chevalier, chef du Service statistique du ministère de la Justice traitera de l‘efficacité de la réponse pénale, le mardi 10 décembre où Thomas Amossé du Cnam abordera le thème des classes moyennes et enfin le mardi 14 janvier 2025 où Olivier Lefebvre de l’Insee nous présentera le nouvel outil statistique Résil (7) (répertoire statistique des individus et des logements).

Les lecteurs de La statistique dans la cité sont invités à proposer des thèmes de Café en écrivant à l’adresse du Groupe sep@sfds.asso.fr.

Un rapport d’activités de notre Groupe a été présenté à l’Assemblée générale de la SFdS tenue pendant les 55e Journées de Statistique qui a été aussi l’occasion de donner les résultats des élections du Conseil de la société et des bureaux de ses groupes spécialisées ; pour ce qui concerne notre Groupe, Françoise Maurel a été élue au titre du poste laissé vacant suite au décès de Chantal Cases et Erik Zolotoukhine, dont le mandat arrivait à expiration, a été réélu. Suite à cette élection, le bureau du Groupe est composé d’Antoine Moreau (président), Brigitte Belloc (secrétaire), Jean-Pierre Le Gléau (trésorier), Erik Zolotoukhine (webmestre), François Guillaumat-Tailliet, Pierre-Yves Le Corre, André Loth, Françoise Maurel, Marion Selz et Olivier Vasseur. Jean-Louis Bodin, non membre du bureau, est confirmé comme rédacteur en chef de La statistique dans la cité.

(7) Un article sur Résil a été publié dans le numéro 37-38 (février 2024) de La Statistique dans la cité.


Responsable de l’infolettre : Antoine Moreau, président du groupe SEP
Rédacteur en chef : Jean-Louis Bodin
Secrétaire de rédaction : Jean-Pierre Le Gléau
Webmestre : Érik Zolotoukhine

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