La statistique dans la cité n° 35 - juin 2023
Sommaire du n° 35


Éditorial

Méthodes :
                                     - Exode urbain : le temps des hypothèses
                                     - La Covid a-t-elle bouleversé la physionomie des quartiers d’affaires
                                      en Amérique du Nord ?

Vie des institutions :
                                     - Le blog de l’Insee se penche sur l’évolution des méthodes de collecte

Feuilleton :
                                     - Le point sur l’affaire Georgiou :
                                      une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle

Nous avons lu

Vie du groupe


Tous les numéros précédents de l'infolettre sont téléchargeables sur le site du groupe SEP


Editorial

La statistique dans la cité va prendre ses quartiers d’été et retrouvera ses lecteurs en octobre avec son numéro 36. La mise au point de ce numéro 35 a pris un peu plus de temps que d’habitude et nous prions nos lecteurs de nous excuser pour le retard que cela a entraîné pour sa diffusion.
Beaucoup de choses se sont passées dans l’écosystème de la statistique depuis la parution du numéro 30, il y a exactement un an.
Le 6 mai 2023, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré la fin de la COVID-19 en tant qu'urgence de santé publique de portée internationale, soulignant que cela ne signifie pas que la maladie n'est plus une menace mondiale. Les cas cumulés dans le monde s'élèvent désormais à plus de sept cent soixante-cinq millions, avec près de sept millions de décès ; plus de 13 milliards de doses de vaccin ont été administrées dans le monde. Les conséquences de cette pandémie restent encore à mesurer, notamment en ce qui concerne les bouleversements de la vie économique et sociale et, bien entendu, ceux de la production de statistiques. Ce numéro de La statistique dans la cité présente deux articles sur ces changements, l’un sur la mesure du possible « exode urbain » en France, l’autre sur la physionomie des quartiers centres d’affaires en Amérique du Nord. Un article retrace l’évolution des méthodes de collecte vue à travers le blog de l’Insee créé précisément pendant le confinement qu’a connu notre pays au printemps 2020.
Beaucoup de choses se sont aussi passées dans le domaine de la protection des données individuelles et celui de l’intelligence artificielle ; on peut notamment penser à l’amende record de 1,2 milliards d’euros infligée à Meta par le régulateur irlandais, la Data Protection Commission, et à l’interdiction qu’il a ordonnée à cette plateforme de transférer les données des internautes européens vers les États-Unis. La statistique dans la cité aura l’occasion de revenir sur ces questions.
Dans le numéro 30 de juin 2022, nous avions publié un message de nos collègues d’UkrStat, le service statistique d’État de l’Ukraine. La situation de la statistique publique en Ukraine s’aggrave chaque jour à cause de la guerre d’agression déclenchée depuis seize mois par la Russie. Le recensement de la population qui aurait dû avoir lieu en 2022 n’a pas pu être exécuté, de même d’ailleurs que la quasi-totalité des enquêtes périodiques. La situation démographique est très difficile à estimer en raison du très grand nombre de réfugiés, à l’extérieur du pays comme à l’intérieur. Et il sera nécessaire d’évaluer la situation sanitaire et les dommages de guerre qu’aura entraînés cette dramatique situation. N’oublions pas nos collègues statisticiens et le peuple ukrainiens. Слава Україні.
Ce numéro est aussi l’occasion de faire le point sur le feuilleton juridique et le harcèlement qu’Andreas Georgiou, président de l’office statistique grec, Elstat, de 2010 à 2015, subit depuis maintenant plus de dix ans.

Nous rappelons que la totalité des numéros passés de La Statistique dans la Cité sont accessibles dans les pages de notre Groupe sur le site de la SFdS. Et comme d’habitude, nous souhaitons que nos lecteurs nous fassent part de leurs réactions et de leurs commentaires sur nos activités et en particulier sur cette infolettre en nous écrivant à l’adresse sep@sfds.asso.fr


Méthodes

Exode urbain : le temps des hypothèses

« Exode urbain » : c’est l’expression journalistique utilisée pour désigner des départs qui ont eu lieu à partir des grandes villes lors des confinements de l’année 2020. Ces départs ont été bien attestés, de même que les retours qui ont suivi, à l’aide de données communiquées par des opérateurs de téléphonie mobile comme l’indique le n° 54 d’Insee Analyses. La même expression sert depuis pour suggérer un mouvement plus durable, selon lequel les déménagements hors des grandes villes auraient sensiblement augmenté en 2020-2021 par rapport aux années antérieures. La crise du Covid aurait changé les aspirations résidentielles des Français au profit des campagnes, et le développement du télétravail aurait accompagné ou encouragé cette évolution. Est-ce la réalité ?
La source privilégiée pour répondre à une telle question est normalement le recensement de population. Mais à ce jour, les données des recensements disponibles ne permettent de décrire que les flux migratoires antérieurs à 2020, que ce soit au niveau des villes (Cf. Insee Focus n° 177) ou des départements (Cf. Insee Focus n° 282). Il faudra attendre plusieurs années avant de pouvoir comparer des flux « post-covid » à ces données de référence. Le recensement de 2022 ne sera disponible qu’en juin 2025 ; du fait de l’annulation de la collecte censitaire en 2021, il reposera en partie sur des données imputées. Il faudra attendre juin 2027 pour disposer d’un recensement (2024) constitué entièrement de collectes postérieures à 2022. C’est très loin. L’Insee prendra peut-être l’initiative de publier séparément des données issues des enquêtes annuelles de recensement 2022 ou 2023, sans attendre les suivantes (1) : mais cela n’a pas été annoncé jusqu’à ce jour.
La base de données « Fideli », fichier démographique sur les logements et sur les individus, constituée essentiellement à partir de données fiscales, permet aussi de mettre en évidence les migrations intérieures sur un an. Jusqu’à présent, seule l’édition 2019 de ce fichier a fait l’objet d’une étude publiée de ce type (Cf. Insee Analyses Ile-de-France n° 157).
Statisticiens et chercheurs, en attendant, ont recours à d’autres sources pour tenter de répondre à la question.
Ainsi, ont été mobilisés les fichiers d’élèves inscrits dans les établissements d’enseignement du premier ou du second degré. Olivier Bouba-Olga et Etienne Fouqueray ont les premiers mis en lumière dès le début de 2022 une baisse des effectifs du premier degré dans les métropoles entre 2019 et 2021, alors que ces effectifs augmentaient légèrement entre 2016 et 2019. Mais la tendance dans le second degré est opposée… Et l’évolution de ces « stocks », également évoquée par une autre équipe de recherche, peut avoir d’autres explications que les mouvements migratoires intérieurs : les pyramides des âges diffèrent, les échanges migratoires avec l’étranger diffèrent, et varient différemment… Les données de scolarisation ont été exploitées de façon beaucoup plus fine par la direction de l’évaluation et de la prospective du ministère de l’éducation (DEPP), qui identifie les élèves ayant changé de commune de résidence entre deux années scolaires successives (Cf. Note d’information 22-25 de la DEPP). A la rentrée 2021, 6 % des élèves du premier degré ont changé de commune de résidence par rapport à la rentrée précédente : dans 30 % des cas, c’était pour gagner un territoire moins dense, et dans 18 % des cas seulement pour gagner un territoire plus dense. Deux ans auparavant, les élèves mobiles du même niveau étaient un peu moins nombreux (5,2 %), et la prépondérance des mouvements vers le moins dense était un peu moins marquée (27 % contre 20 % en sens inverse). On voit qu’il ne s’agit pas de variations massives.
Une autre source administrative exhaustive dans son champ concerne les salariés : ce sont les déclarations sociales nominatives (DSN) fournies par les employeurs du secteur privé aux URSSAF. Cette source permet de connaître le lieu de résidence des salariés à diverses dates et donc de décrire les mobilités géographiques. Une étude de la Dares (Cf. Dares-Analyses n° 14 de 2022) compare les déclarations de 2021 à celles de 2020 et 2019. Parmi les salariés en emploi en avril de deux années successives, environ 1,5 % ont déménagé à plus de 100 km de leur ancien logement. On constate entre 2018-2019 et 2020-2021 une hausse de ces déménagements « lointains » au départ des « départements métropolitains » (2), alors qu’en sens inverse ces départements reçoivent moins d’arrivants « venant de loin ». Les départs « lointains » à partir des départements métropolitains s’accroissent particulièrement pour les métiers « télétravaillant le plus » ce qui laisse penser qu’une partie de cette hausse pourrait être imputable au développement du télétravail à la suite de la crise du Covid.
Lorsqu’on déménage, on fait éventuellement suivre son courrier, parfois on réimmatricule sa voiture. Tous ces actes courants sont désormais enregistrés dans des fichiers auxquels statisticiens et chercheurs peuvent avoir accès. Les contrats de réexpédition du courrier souscrits auprès de La Poste ont été analysés par deux équipes, l’une du ministère de la transition écologique et l’autre d’un groupe de travail de l’Insee (Cf. Insee-Analyses n° 81), utilisant des découpages géographiques différents et des indicateurs différents. Leurs conclusions convergent : les contrats de réexpédition à partir des grandes villes ont augmenté, alors que ceux en sens inverse ont diminué. Les changements d’adresse constatés au répertoire des cartes grises présentent des tendances analogues. Ces indicateurs doivent néanmoins être relativisés : même si, dans l’ensemble, les flux révélés par les contrats de réexpédition du courrier sont cohérents avec les flux révélés par la source fiscale, ils n’en représentent que le quart ; et on ne peut pas exclure que des comportements différenciés par taille d’agglomération viennent fausser certaines de leurs évolutions (dans un contexte de forte diminution du courrier postal). De même, les réimmatriculations de véhicules ne concernent qu’une minorité des déménagements, et peuvent obéir à des motivations diverses.
Enfin, l’étude du marché immobilier est également utilisée pour argumenter en faveur d’un « exode urbain ». Des chercheures ont réalisé une étude des intentions d’achats de logements, déduites des consultations de propriétaires sur une plate-forme immobilière (Cf. Économie et Statistique n° 536-37 de décembre 2022). Les consultations faites après juin 2020 diffèrent suffisamment de celles faites avant 2020 pour permettre aux auteures d’envisager que cela puisse annoncer une intensification des départs hors des villes. Par ailleurs, l’évolution des prix de l’immobilier est scrutée de près : or ces prix ont un peu fléchi en 2021-2022 dans les grandes villes, notamment à Paris, relativement à leur évolution en province comme le montre une autre étude de ce même numéro d’Économie et Statistique. Est-ce le résultat d’un « exode » ?
Les indicateurs statistiques rassemblés dans cet ensemble d’études ne peuvent pas être comparés rigoureusement, car ils ne sont jamais fondés sur le même découpage géographique du territoire. Tantôt il s’agit des départements, classés (diversement) selon leur degré d’urbanisation ; tantôt il s’agit des aires d’attraction des villes, des catégories de la grille de densité, ou encore des « mailles habitat » … Cependant, ces indicateurs pointent en général dans la même direction. La crise du Covid19 a renforcé un mouvement démographique de départs des zones les plus urbanisées du territoire métropolitain vers des régions moins denses, en liaison, au moins dans certains cas, avec le développement du télétravail.
Mais il est trop tôt pour apprécier l’ampleur de l’évolution qui a ainsi eu lieu. Est-elle suffisamment forte pour dominer les autres mouvements qui jouent en faveur des zones denses (le mouvement naturel et les migrations extérieures), et affecter notablement la répartition de la population sur le territoire métropolitain ? Est-elle propre aux actifs, et due au développement du télétravail ? Les données disponibles à ce jour ne permettent pas de le dire. Il se peut aussi qu’il y ait eu un changement de comportement des personnes qui disposent d’une résidence secondaire, avec une augmentation du temps passé dans cette dernière : la « multirésidence » est encore mal décrite par le système statistique public.
Parler « d’exode » est très exagéré : c’est une concession à la pratique journalistique courante et non une dénomination réfléchie. Apparemment, lorsqu’un mot fort a été employé une fois, il est difficile de revenir à une terminologie plus modérée. Après la crise Covid, il a été question d’une « grande démission » des salariés : les travaux de la Dares ont montré depuis que cette expression n’était pas justifiée. Elle n’a pas pour autant disparu. S’agissant des nouveaux mouvements migratoires sur le territoire français, on ne saura les qualifier correctement que dans quelques années : nous en sommes encore au temps des hypothèses. Les outils globaux comme le recensement restent irremplaçables, même si la tendance récente des statisticiens à utiliser très vite de multiples sources doit être saluée comme un progrès.

(1) Rappelons qu’un « recensement » résulte en France depuis 2004 de la fusion de cinq « enquêtes annuelles de recensement » pour cinq années successives.
(2) Les départements dits métropolitains sont : Paris et la petite couronne, et les départements contenant les villes de Lyon, Marseille, Toulouse et Lille.


La Covid a-t-elle bouleversé la physionomie des quartiers d’affaires en Amérique du Nord ?

Selon un billet publié le 14 avril 2023 par la plateforme de données Statista (3), la situation des quartiers d’affaires des centres-villes nord-américains a été considérablement modifiée par la pandémie de la Covid 19 et est loin d’être revenue à la normale. À terme, cette situation pourrait se traduire par une spirale descendante dans l’activité de ces quartiers et entraîner une détérioration de la situation économique des grands centres de population aux États-Unis et au Canada.
Cette étude s’appuie sur des données recueillies par la School of Cities de l’Université de Toronto. Il s’agit des mesures de l’activité des téléphones mobiles à l’automne 2022 dans les quartiers d’affaires de quelques grandes métropoles comparées à la même période en 2019 ; c’est en effet un assez bon indicateur de la fréquentation de ces quartiers. Ces quartiers enregistrent beaucoup moins d'activité qu'avant la pandémie. Si des agglomérations comme Denver, Atlanta et Los Angeles ont pu retrouver un pourcentage relativement appréciable de leur activité d’avant la pandémie (4), d'autres quartiers d’affaires sont maintenant moins de deux fois moins actifs qu'avant la pandémie (5), comme Seattle, Vancouver et Chicago.
La situation devient assez catastrophique pour San Francisco, qui n’aurait récupéré, d’après cet indicateur, que moins d’un tiers de son activité d’avant la pandémie. Selon un reportage publié dans le San Francisco Chronicle, l’un des plus grands quotidiens californiens, un très grand nombre d’employés ne sont pas retournés dans les bureaux du centre-ville après le déclin de la pandémie, préférant plutôt travailler entièrement à distance : cela entraîne des immeubles de bureaux vacants, une diminution de la fréquentation des transports en commun et moins d'argent dépensé pour les activités de midi ou d’après le travail, une diminution des revenus des commerces locaux (magasins et restaurants) et, par conséquent, des revenus fiscaux des villes. Cela rend les centres-villes encore moins attrayants, car les services municipaux pourraient devoir être coupés, les transports en commun vides pourraient devenir plus dangereux et, en fin de compte, inciter encore plus d’employés à ne plus revenir dans ces quartiers.
L’Ouest des États-Unis a été particulièrement touché par le phénomène, car ses nombreuses entreprises technologiques se sont tournées de façon plus importante vers le télétravail. En revanche, la situation semble meilleure dans les agglomérations de la côte Est : à New-York comme à Washington, l’utilisation des téléphones mobiles dans les quartiers d’affaires à l’automne 2022 s’établit aux trois-quarts de celle constaté à l’automne 2019 ; le pourcentage s’élève même à 94 % à Baltimore. Toutefois, d’après un article du New York Times, le pourcentage d’occupation des bureaux a chuté de moitié par rapport à la période d’avant Covid : cet article illustre cette chute en indiquant que la totalité de surfaces de bureau vacantes représente 26,6 fois la capacité d’accueil de l’Empire State Building.

(3) Statista est un portail en ligne allemand offrant des statistiques issues de données d’instituts, d'études de marché et d'opinion ainsi que de données provenant du secteur économique. Cette plateforme comprend plus d’un million de données sur plus de quatre-vingt mille sujets de plus de vingt-deux mille cinq cents sources, en anglais, français, allemand et espagnol, dans cent soixante-dix secteurs différents.
(4) 59 % pour Denver, 61 % pour Atlanta et 67 % pour Los Angeles.
(5) 44 %pour Seattle, 47 % pour Vancouver et 50 % pour Chicago.


Vie des institutions

Le blog de l’Insee se penche sur l’évolution des méthodes de collecte

Début 2020, alors que les médias sociaux bouleversent la diffusion de l’information, et que distinguer ce qui est sérieux et objectif de ce qui ne l’est pas devient difficile, l’Insee a créé un blog afin de ne pas se laisser enfermer dans sa diffusion traditionnelle, en apportant davantage d’informations, tout en maintenant l’indépendance et la rigueur qui sont la marque de l’institut. L’objectif qu’il vise est de faire preuve d’une plus grande réactivité à l’actualité avec un moindre formalisme.
Début 2023, plusieurs billets publiés respectivement les 21 avril, 16 mai, et 25 mai détaillent les méthodes des statisticiens face aux défis à relever pour éclairer le débat public, tout en respectant les règles de la statistique publique.
Au reproche souvent fait aux statisticiens de prendre leur temps, l’Insee rappelle dans son billet du 21 avril (Elle n’est pas fraîche ma statistique ?) que ces derniers sont soumis à celui des informations issues des fichiers administratifs ou des enquêtes. Les premières souvent exhaustives ne sont pas rapidement disponibles et nécessitent des travaux de retraitement et d’appariement complexes. Mener une enquête spécifique a un coût très important, et fait peser une charge sur les répondants que la statistique publique s’efforce de minimiser.
Pendant la crise sanitaire, les statisticiens ont montré qu’ils savaient réagir et produire vite, en exploitant des données massives et à haute fréquence (ex données de téléphonie mobile), en lançant en quelques semaines des enquêtes inédites (par exemple sur le suivi du télétravail, ou EpiCov), ou en adaptant leurs méthodes.
En temps normal aussi, ils s’appliquent à réduire leurs délais de production, en produisant notamment des indicateurs avancés, mais le temps gagné se paie parfois par des données moins précises ou moins détaillées : croissance trimestrielle du PIB, indice mensuel de la production industrielle (IPI), indice des prix… Les statisticiens sont donc contraints d’arbitrer entre fraîcheur des données, précision des résultats et coût pour la nation.
Compte tenu de cette nécessité d’arbitrer, l’Insee, dans le billet du 16 mai (Quels types de sources l’Insee utilise-t-il ?) rappelle que les statisticiens publics privilégient le recours aux données administratives lorsque c’est adapté et réservent les enquêtes au recueil des informations qui ne sont pas disponibles dans des sources administratives.
L’apparition de données massives (Big Data) issues pour l’essentiel d’entreprises privées ou publiques fournit une opportunité pour analyser certaines évolutions de façon très réactive et rapide. L’exploitation de ces données nécessite une concertation importante avec leurs producteurs. Elles ont été utilisées, à titre exceptionnel, pendant la crise sanitaire.
Le récent rapport sur Les incidences économiques de l’action pour le climat (Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz) montre l’importance de disposer de statistiques adaptées et précises afin d’éclairer l’action et le débat publics dans l’analyse et le suivi des enjeux de la transition climatique.
Le billet du 25 mai (Des statistiques pour accompagner la transition climatique) détaille les efforts faits par la statistique publique pour élaborer de nouveaux outils statistiques afin d’estimer les émissions de gaz à effet de serre et les mettre en regard de l’activité économique, d’aider à définir et à suivre des politiques publiques, de permettre l’évaluation des investissements liés à la transition, de répondre à la question « qui paye ? », mais aussi d’évaluer l’écart entre l’ambition et les moyens mis en œuvre, et de suivre l’observation des dommages et d’estimer l’adaptation nécessaire.


Feuilleton

Le point sur l’affaire Georgiou : une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle

Le précédent numéro de La statistique dans la cité (le n° 34) avait fait le point sur le feuilleton juridique et le harcèlement qu’Andreas Georgiou, président de l’office statistique grec, Elstat, de 2010 à 2015, subit depuis maintenant plus de dix ans. Dans ce numéro, étaient annoncés, d’une part l’arrêt du 14 mars 2023 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a estimé que les droits à une défense équitable d’Andreas Georgiou avaient été violés, et d’autre part, la mise en délibéré par la Cour suprême grecque du recours déposé par Andreas Georgiou suite à sa condamnation en appel pour « calomnie simple » envers Nicolas Stroblos, l'ancien directeur des comptes nationaux de la statistique grecque de 2006 à 2010.
Depuis, deux nouvelles, une mauvaise et une bonne.
La mauvaise nouvelle : le gouvernement grec a fait appel de l’arrêt de la CEDH et n’est donc pas tenu dans l’immédiat de réouvrir le procès qui avait conduit à condamner Andreas Georgiou à deux ans de prison (avec sursis) pour « violation du devoir » pour avoir transmis à Eurostat les chiffres de l’année 2009 sans avoir demandé l’aval du conseil d’administration d’Elstat alors que le code de bonnes pratiques de la statistique européenne attribue au responsable de l'Institut national de la statistique « la responsabilité exclusive du choix des méthodes, normes et procédures statistiques, du contenu et du moment des publications statistiques ».
La bonne nouvelle : la Cour suprême a cassé l’arrêt de la Cour d’appel condamnant Andreas Georgiou pour « calomnie simple » et cette dernière devra réexaminer sa décision. Ce réexamen n’est toutefois pas automatique et suppose qu’une demande soit faite par le plaignant ou l’accusé pour être déclenché. Comme le plaignant peut avoir jusqu’à vingt ans (!) pour le faire. Dans ces conditions, pour éviter qu’une épée de Damoclès se tienne au-dessus de lui pendant de nombreuses années, Andreas Georgiou va lui-même déclencher la demande d’un nouvel examen en appel.


Nous avons lu

Un rapport sur « La culture statistique des français : constats, enjeux et perspectives » vient d’être publié par les inspections générales de l’éducation, du sport et de la recherche, de l’Insee et des affaires culturelles. L’enjeu de la culture statistique est de comprendre et utiliser les informations statistiques dans la vie courante, à la maison, au travail, et en société, en tant que compétence de base nécessaire à l’exercice de la citoyenneté.
Ce rapport constate que nombre de jeunes et d’adultes éprouvent des difficultés pour appréhender les statistiques. L’évaluation du niveau des élèves en mathématiques situe la France parmi les pays de l’OCDE les moins bien classés. Par ailleurs, la multiplicité des canaux d’information – incluant les réseaux sociaux – amplifie les risques de diffusion de statistiques erronées, voire mensongères (infox), et rend plus nécessaire que jamais le développement d’une culture pour tous dans ce domaine.
Le rapport préconise une quinzaine de mesures, en direction de l’éducation, des journalistes et des producteurs de statistiques publiques pour améliorer les compétences des Français, notamment des publics précaires, dans le domaine de la statistique.

Tangente est un magazine bimestriel français consacré aux mathématiques. Son ambition est de promouvoir l'image des mathématiques. Des numéros hors-série couvrent des thèmes précis. Le dernier hors-série (n° 86) est consacré aux « Nouveaux défis de la statistique ». Il comprend des articles variés, notamment sur l’utilité de la statistique, la biostatistique, les classifications, les modèles, la statistique appliquée au sport et l’incontournable intelligence artificielle… Il a été construit avec la participation très active de la SFdS et en particulier de notre groupe qui a contribué à l’article sur la protection des données.


Vie du groupe

Le bureau du groupe a été renouvelé à l’occasion des élections du Conseil de la SFdS et des bureaux de ses groupes qui ont eu lieu fin mai – début juin. Brigitte Belloc, Pierre-Yves Le Corre, Jean-Pierre Le Gléau, André Loth et Antoine Moreau ont été réélus et François Guillaumat-Tailliet, secrétaire général adjoint du Cnis, a été élu sur le poste laissé vacant par Françoise Dupont. Le résultat de ces élections sera entériné par l’Assemblée générale de la SFdS qui se réunira le mardi 4 juillet à Bruxelles pendant les Journées de statistique (54e JdS). Par ailleurs, Marion Selz a été réélue membre du Conseil de la SFdS.

Le groupe s’est associé au groupe Socio-histoire des statistiques et de la probabilité pour coorganiser le 22 mai 2023 le colloque Un code civil : socio-histoire du numéro de Sécurité sociale (le NIR, numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques). Il y a été abordé les aspects historiques de la création du NIR par le régime de Vichy, l’utilisation actuelle du NIR sous le contrôle de la Cnil ainsi que ses biais, sans oublier quelques comparaisons internationales. Ces deux groupes coorganisent également le jeudi 6 juillet à Bruxelles une session pendant les 54e JdS sur l’autre internationale de la statistique publique : histoire des échanges de publications (France-Belgique).

Depuis la précédente édition de La statistique dans la cité, trois Cafés ont été organisés :
• le jeudi 20 avril sur la mesure des performances sportives en collaboration avec le groupe Statistique et sport de la SFdS ;
• le mardi 9 mai sur l’économie de la défense et les ventes d’armements ;
• le mardi 6 juin sur les nouveaux outils et nouveaux résultats en matière d’inégalités sociales de santé.
Le prochain Café sera organisé, à Bruxelles, le jeudi 6 juillet en tant qu’événement satellite des 54e JdS sur l’évolution des recensements de population en Europe, notre invitée étant Christine Wirtz, directrice des statistiques sociales à Eurostat.


Responsable de l’infolettre : Chantal Cases, présidente du groupe SEP
Rédacteur en chef : Jean-Louis Bodin
Secrétaire de rédaction : Jean-Pierre Le Gléau
Webmestre : Érik Zolotoukhine

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