En hommage à ...
Ils ont compté pour la statistique, ils ont joué un rôle très important notamment au sein de la SFdS, nous leur rendons hommage.
Pierre CAZES, Membre d’Honneur de la SFdS : un rédacteur en chef d’exception
C'est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de Pierre Cazes, Membre d'Honneur de la SFdS, survenu mardi 12 novembre à Paris. Né le 1er décembre 1940, il aurait eu 84 ans à quelques jours près.
Pierre Cazes était un pilier de notre communauté, de l'ASU puis de la SFdS, soucieux de promouvoir la statistique sous ses différentes formes. Il fut un rédacteur en chef remarquable de la Revue de Statistique Appliquée de 1979 à 2006 jusqu'à sa fusion avec le Journal de la SFdS qui succédait au Journal de la Société de Statistique de Paris. Il collabora encore deux ans à la rédaction de cette nouvelle revue aux côtés d'Henri Caussinus. En tant que lecteur, relecteur ou rapporteur, sa méticulosité était légendaire mais elle s'exerçait toujours dans un esprit bienveillant qui faisait progresser l'auteur.
Ingénieur diplômé de l’ENST (Telecom Paris), il se consacra rapidement à la statistique. Après avoir obtenu en 1968 le DEA de statistique mathématique, il exerça de 1968 à 1981 comme assistant puis maitre-assistant à l’ISUP et soutint en 1970 à l’Université Pierre et Marie Curie (maintenant Sorbonne-Université) une thèse de doctorat de 3e cycle intitulée : « Application de l'analyse des données au traitement de problèmes géologiques ». Après sa thèse d’Etat en 1979 « Contribution à la régression et à l'analyse factorielle », Pierre rejoignit, en tant que professeur des universités, l'Université Paris-Dauphine et le Centre de Recherches en Mathématiques de la Décision (CEREMADE) où il resta jusqu’à sa retraite en 2010, puis comme professeur émérite. Il y anima pendant plusieurs années un DESS puis un Master. Il y forma ainsi qu'à l'ISUP des centaines d'étudiants et encadra de très nombreuses thèses.
Connu pour ses travaux en analyse des données autour de Jean-Paul Benzécri, membre du comité de rédaction des Cahiers de l’Analyse des Données, il avait une culture statistique exceptionnelle qui allait bien au-delà.
Elu membre de l’Institut International de Statistique en 1985, il avait été président de la Société Francophone de Classification.
Sa disponibilité, sa douceur, sa gentillesse étaient immenses. Il avait la modestie et la simplicité des plus grands. Nous le regrettons.
Georges MORLAT, Membre d’Honneur de la SFdS : trait d’union entre l’industrie et l’université
Georges Morlat a été l'un des fondateurs en 1969 de l'ASU (Association des Statisticiens Universitaires, devenue en 1987 l'Association pour la Statistique et ses Utilisations) dont il a été le deuxième Président en 1973-1974. Il a également été président de la Société de Statistique de Paris (SSP) en 1980. Il a été nommé Membre d'Honneur de la Société Française de Statistique (SFdS) lors de la création de la SFdS, en 1997, issue de la fusion de la SSP et de l’ASU.
Il avait été élu membre de l'ISI en 1967. Il a été l'un des vice-présidents du comité national d'organisation de la 47e session de l'ISI qui s'est tenue à Paris en 1989.
Disciple de Leonard J. Savage, expert en théorie de la décision, sa controverse avec Maurice Allais (qui obtint en 1988 le prix communément appelé Nobel d'économie) dans la Revue d’économie Politique, en 1957, avait été remarquée.
Georges Morlat a développé avec Daniel Bachelet un modèle de prévision de séries temporelles appelé modèle à deux aléas. Il a collaboré avec Georges Th. Guilbaud et Marc Barbut dans le domaine des mathématiques appliquées aux sciences humaines. Il a soutenu et encouragé les débuts de l'analyse des données en France en dirigeant un de ses ouvrages fondateurs : "Introduction à l'analyse des données" par F. Cailliez et J.-P. Pagès (1976, Smash). Il était également très impliqué dans le développement de la recherche opérationnelle. Il est l'auteur de l'article sur la statistique dans l'Encyclopedia Universalis.
Statisticien très influent dans les années 1960, George Morlat a passé l’essentiel de sa carrière en entreprise, principalement à Électricité de France (EDF). À EDF, après en avoir dirigé la division statistique, il a travaillé ensuite avec Marcel Boiteux en tant que conseiller scientifique, un poste au plus haut niveau hors hiérarchie. M. Boiteux avait théorisé et mis en œuvre la tarification de l'électricité au coût marginal et a été l'un des architectes du développement de l'industrie nucléaire en France. Georges Morlat est à l'origine, avec le Dr Jammet, du projet qui créera en 1976 le Centre d'étude sur l'évolution de la protection dans le domaine nucléaire (CEPN).
Georges Morlat a été également professeur à l'ISUP, où il a formé des générations de statisticiens aux tests et à la théorie de la décision. Il a contribué à la création en 1968 des départements Statistique, études économiques et techniques quantitatives de gestion d’IUT, dénommés ensuite STID et maintenant Science des Données ; il en a présidé la Commission Pédagogique Nationale (CPN) jusqu’en 1984.
Georges Morlat était un grand exemple de statisticien faisant le lien entre université et monde professionnel. Nous le regrettons.
Jean-Claude DEVILLE, statisticien brillant et passionné
Polytechnicien, sorti de l’ENSAE en 1968, administrateur de l’Insee, puis Inspecteur général honoraire, Jean-Claude Deville a consacré une grande partie de sa carrière à la recherche en statistique. Ses apports précurseurs en statistique sur données fonctionnelles et en analyse factorielle sont d’une importance majeure. Il est mondialement connu pour ses recherches en théorie des sondages, ayant permis de grandes avancées en la matière. Ses travaux sur le calage, l’équilibrage ou le partage des poids ont eu un impact considérable sur le plan international.
Jean-Claude avait été élu membre de l’International Statistical Institute en 1979, puis s’est impliqué dans les activités de l’International Association of Survey Statisticians dont il a été membre du Conseil de 1993 à 1997. Il fut également à l’origine de la création des Journées de Méthodologie Statistique de l’Insee organisées depuis 1991 sous le parrainage de la SFdS. A la tête du Laboratoire de statistique d’enquête du Centre de recherche en économie et statistique à l’ENSAI de 1998 à 2010, il a encadré de nombreuses thèses. Il a par ailleurs contribué en tant que conférencier à la plupart des éditions du Colloque francophone sur les Sondages organisé par le groupe « Enquêtes, Modèles et Applications » de la SFdS. C’est à l’occasion du 10ème Colloque francophone sur les Sondages qui s’est tenu à Lyon en 2018 que Jean-Claude s’est vu décerner le Prix Waksberg qui distingue les statisticiens internationalement reconnus pour leurs travaux innovants combinant théorie et pratique dans le domaine de la méthodologie d’enquête.
L’aura qu’il avait au niveau international était remarquable. Le « Colloque sur les méthodes de sondage en l’honneur de Jean-Claude Deville » organisé à Neuchâtel par Yves Tillé en 2009 avait démontré à quel point son prestige était important, puisqu’un aréopage de statisticiens de la plus haute renommée y participaient, dont John Rao, Wayne Fuller, Gad Nathan, Chris Skinner, Ray Chambers, Mike Hidiroglou et bien entendu Carl-Erik Särndal, avec qui Jean-Claude entretenait des relations d’amitié profonde et une grande complicité.
Statisticien brillant, orateur passionné, féru de basket-ball et d’échecs, Jean-Claude a toujours été un homme extrêmement curieux, à l’écoute et d’une grande culture. Ceux qui ont eu le privilège de le rencontrer et d'échanger avec lui savent à quel point il était un personnage sensible et attachant. Jean-Claude Deville nous a quittés le 30 octobre 2021 à l’âge de 77 ans.
Camille DUBY, figure du groupe Enseignement
En 1962, à la sortie de l’ENS, Camille a été recrutée à AgroParisTech (qui s‘appelait alors Institut National Agronomique Paris-Grignon). La chaire de Mathématiques y comptait alors trois personnes. Après un détachement à l’INRA, où elle a été directrice de l'unité de biométrie au centre de Versailles, elle a été une des premières femmes professeur de l’INAP-G et a joué un rôle essentiel dans la création et le développement du département de Mathématiques, Informatique et Physique d’AgroParisTech qui forme les futurs ingénieurs à la modélisation physique et mathématique et aux nouvelles technologies numériques.
Camille laisse le souvenir d’une enseignante exigeante qui demandait et obtenait le meilleur de chaque élève et une chercheuse rigoureuse qui a réussi à installer dans le département une culture du dialogue permettant une collaboration fructueuse avec les chercheurs des autres disciplines de l’établissement. Elle a formé des générations d'étudiants en sciences du vivant à la modélisation statistique, incitant les plus motivés d'entre aux à compléter leur formation par un diplôme de statistique appliquée. Beaucoup sont devenus d'éminents biostatisticiens qui ont continué à promouvoir l'utilisation rigoureuse des méthodes statistiques en biologie. Elle a également très fortement contribué à la formation d’enseignants de mathématique et statistique appliquée.
Camille a été membre du Conseil de la SFdS, notamment en tant que représentante de la Société Française de Biométrie (SFB), et très active au sein du Groupe Spécialisé Enseignement. Camille est décédée le 22 septembre 2020, elle nous manque.
Georges LE CALVÉ, Président d'Honneur de la SFdS
Georges a passé toute sa carrière à l'Université de Rennes 2. L'Université de Rennes, une des plus anciennes universités françaises, a été fondée au XVe siècle par le duc de Bretagne. Georges y a d'abord enseigné les mathématiques, puis les probabilités, avant de se consacrer assez rapidement à la statistique, travaillant notamment sur l'analyse de données multivariées, l'analyse exploratoire des données et les problèmes de métriques et de distances. En plus de travaux théoriques portant sur la norme L1, les ultramétriques et les mesures de similarité, Georges s'est passionné pour l’analyse sensorielle et s’est spécialisé dans les applications en sciences humaines. Il est décoré Officier des Palmes Académiques en 1985. Il a été vice-président de l’Université de Rennes 2 pendant plusieurs années. Au début des années 1990, il crée l’Institut Universitaire Professionnel en Génie Informatique et Statistique, qui a ensuite été transféré à l'Université de Bretagne Sud à Vannes, et dont il a été par la suite Directeur Honoraire. Retraité en 1996, à l'âge de 60 ans, il continue à participer activement aux travaux de recherche bien après cette date, en tant que Professeur Honoraire de l'Université de Rennes 2.
Georges s'est soucié tout au long de sa carrière de rencontrer des statisticiens d'autres horizons. Il a notamment organisé à Rennes plusieurs séminaires internationaux, dont, en 1992, la conférence Distancia sur les problèmes de métriques et de distances, les Journées de Statistique en 1989, pendant sa présidence de l’ASU (Association pour la Statistique et ses Utilisations), et les Journées Agro-Industrie et Méthodes Statistiques (AgroStat) en 2004 qui facilitent les rencontres et les échanges entre statisticiens et utilisateurs de statistiques dans le domaine des agro-sciences. Il a participé à plusieurs projets de coopération franco-portugaise en analyse de données multivariées et a supervisé dans ce cadre un doctorat.
Georges a été élu membre de l'Institut International de Statistique (ISI) en 1985 et a participé activement à plusieurs sessions de l'ISI (aujourd'hui ISI World Statistics Congress). Il a présidé les deux principales associations françaises de statisticiens, l'ASU de 1988 à 1990 et la Société de Statistique de Paris (SSP) en 1993, ce qui l'a conduit à jouer un rôle essentiel dans la création, en 1997, de la Société Française de Statistique qui résulte de la fusion des deux associations qu'il avait présidées et de la Société de Statistique de France (SSF). Georges, qui avait mis sa vision et son énergie au service de la communauté statistique, est nommé Président d'Honneur de la Société Française de Statistique en 2005.
En 2018, il a publié un livre sur ses souvenirs d'enfant de 7 ans lorsqu’en 1943 sa famille a été évacuée de Lorient qui, en tant que principale base allemande sur l'Atlantique, a subi de très violents bombardements des forces alliées. Il évoque son quotidien de petit citadin réfugié dans un village, Querrien, un milieu rural à forte majorité bretonne, alors qu'il ne parle que quelques mots de breton. En ces temps difficiles, le petit garçon vit de nombreuses aventures émouvantes, rarement à son avantage, que Georges raconte avec beaucoup d’humour et de philosophie. A la fin de cet ouvrage on découvre que, orphelin de guerre, Georges avait été pupille de la Nation, ce dont il ne parlait jamais.
Georges était très apprécié de ses collègues et amis. Sa jovialité, sa culture, sa bienveillance et ses merveilleux dons de conteur restent gravées dans la mémoire de tous ceux qui ont eu la chance de le croiser. Georges est décédé le 14 juillet 2020, il nous manque.
Jean LE NOUVEL, défenseur infatigable de la statistique
Directeur de l'IUT de Vannes de 1990 à 2000, Jean y a commencé sa carrière en 1971. Il a été à l'origine de la création de son département STID dont il a fait une référence nationale, grâce à sa ténacité, sa volonté et sa faculté d’anticiper les développements du métier de statisticien. Il a été un précurseur dans l’utilisation de logiciels professionnels.
Défenseur infatigable de la spécialité, il s’est battu avec Marie-Jeanne Laurent-Duhamel au sein de la Commission Pédagogique Nationale de la spécialité statistique des IUT pour la préserver et la développer.
L’avenir lui a donné raison, statistique décisionnelle, Data Mining, Big Data, Science des Données, les données gouvernent la nouvelle économie.
Après sa retraite en 2007, il a continué de soutenir avec enthousiasme les activités des IUT, notamment à travers la vice-présidence de l'Association des Directeurs d'IUT qu'il a exercée pendant plusieurs années. Par ailleurs, Jean a été un membre assidu du Conseil de la Fondation la Science Statistique où il a représenté les départements STID de 1991 à 2018.
Jean a marqué la communauté des statisticiens en organisant deux congrès mémorables de la SFdS (à l’époque ASU) en 1977 puis en 1993. Le diner de l’Ile aux Moines fut un sommet festif.
Jean n’a pas été seulement le responsable que nous connaissons tous. Il a mené des travaux de recherche dans le domaine alors pionnier de l’analyse des données fonctionnelles dans la suite de Jean-Claude Deville et des toulousains Jacques Dauxois, Alain Pousse, Philippe Besse. Sa thèse soutenue en juin 1981 à Rennes sous la direction de Brigitte Escofier avait été remarquée. Mais Jean a préféré se consacrer à sa passion : l’enseignement. Jean est décédé le 20 juillet 2019, il nous manque.